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L'égoisme frein ou moteur de l'altruisme

Quittons un instant les sphères éminemment sympathiques et gratifiantes d’un altruisme humanitaire réconfortant pour tous les Anysetiers puisque c’est le fondement même de l’existence de tout Club service et le moteur, aussi bien que le carburant, de toutes nos actions.



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Quittons un instant les sphères éminemment sympathiques et gratifiantes d’un altruisme humanitaire réconfortant pour tous les Anysetiers puisque c’est le fondement même de l’existence de tout Club service et le moteur, aussi bien que le carburant, de toutes nos actions.

Devons-nous croire en effet, que tout geste altruiste est a priori et par définition désintéressé et ignore l’égoïsme, conscient ou non, tapi au fond de nous ? Prenons comme exemple le jeune père de famille qui se lève la nuit lorsque son enfant pleure. Le fait-il pour le consoler ou bien dans l’espoir de se rendormir au plus vite ?
Bref, l’égoïsme est-il un frein ou le moteur de l’altruisme ? Cela mérite de s’y arrêter quelques instants et d’utiliser les termes à bon escient.


De prime abord et vu superficiellement, l’égoïste privilégie son intérêt propre aux dépens de celui d'autrui en particulier, voire du reste de l’humanité. Mais considéré sous un angle plus réfléchi et philosophique, il peut devenir nihiliste, individualiste, anarchiste et professer une doctrine antilibérale opposée à l’humanisme. Il sera alors en opposition nette avec les libéraux, notamment ceux qui se réclament des philosophes des Lumières.


L’altruiste, lui, se caractérise par des actes a priori désintéressés, ne lui procurant
pas d'avantages immédiats personnels mais au contraire bénéfiques à d'autres in-
dividus ou collectivités. Cette attitude peut permettre, si elle est constante, un vivre
ensemble harmonieux et une reconnaissance mutuelle au sein d’un groupe.
Nous pouvons aussi placer entre les deux, l’hédoniste pour qui la recherche du
plaisir et l’évitement de la peine sont les seuls buts à rechercher.
Il est donc ainsi communément admis que l’altruisme est à l’opposé de l’égoïsme et qu’il est aussi louable que l’égoïsme est critiquable.


Ce consensus social est cependant contesté. Pour les uns, la distinction de l’al-
truisme et de l’égoïsme est une illusion, pour d’autres, l’égoïsme est préférable à
l’altruisme.


Ainsi, considérer que l’homme cherche en toutes circonstances à favoriser la satis-
faction de ses intérêts, est devenue une théorie privilégiée et le paradigme in-
contournable des sciences humaines contemporaines, que ce soit en psychologie,
en sociologie ou en économie.


Le sociologue américain Peter Blau écrivait « Un apparent altruisme imprègne la
vie sociale ; les gens sont désireux de faire du bien et de rendre la pareille.
Mais sous ce désintéressement apparent, on peut découvrir un égoïsme sous-
jacent ; la tendance à aider les autres est souvent motivée par l'attente qu'agir
ainsi procurera des bénéfices sociaux.»


Cette vision égoïste du comportement humain est si fréquente en anthropologie
contemporaine qu’elle en devient le seul motif de l’altruisme :« L’anticipation de
récompenses, personnelles ou sociales, le désir d’échapper aux condamnations
de notre conscience ou de celle d’autrui, ou encore la volonté d’éviter les senti-
ments d’anxiété que produit le spectacle de la détresse sont présentés comme les
raisons véritables et le but ultime de conduites qui ont l’apparence de l’altruisme
mais dont la nature est, en réalité, égoïste. »


Anna Freud va même jusqu’à dire que les personnes dévouées aux autres le sont
par masochisme. Considérer toutes les actions humaines, même les plus altruistes,
comme motivées in fine par des désirs égoïstes a été qualifiée d’« égoïsme psy-
chologique ». En croyant agir pour le bien d’autrui, on ne chercherait qu’à se
donner bonne conscience.


Max Stirner avec Sober et Wilson reconnaissent qu’ « il est difficile, au vu de la
seule conduite extérieure des individus – par exemple, le fait de donner de l’ar-
gent à une organisation charitable ou d’agir pour le bien de ses enfants –, de
connaître la nature véritable des motivations personnelles. »


L’observation d’un comportement n’apporte aucune information pour savoir si les
mobiles sont intéressés, désintéressés ou un mélange des deux. L’altruisme peut
tout à fait être vrai même si l’on y soupçonne une habile stratégie de l’intérêt et
de l’amour-propre (ainsi que le fait La Rochefoucauld). De sorte que l’interpréta-
tion altruiste est plus large et plus forte que l’interprétation égoïste : celle-ci
n’admet qu’une seule motivation, posée d’emblée comme une loi universelle, là où
l’altruisme en comporte de nombreuses.


Donc, si nous acceptons pour principe de ressentir une certaine satisfaction en
étant altruiste, on peut en déduire que l'objectif caché de toute action altruiste
serait de procurer du plaisir à son auteur. Mais n’est-ce pas alors prendre l’ob-
jectif (aider) pour l’effet secondaire (bien-être) ?


Pas forcément. Selon la psychologue Sonya Sachdeva, en nous posant la ques-
tion : » dois-je aider autrui ou dois-je me favoriser d’abord ? », nous nous infli-
geons constamment une auto-évaluation morale dont la réponse dépend de
l'image que nous avons de nous-mêmes au moment d’agir, image fluctuante au
gré de l’humeur qui explique des attitudes parfois contradictoires d’un moment
sur l’autre.


Tal Ben-Shahar, professeur à Harvard, estime : « Celui qui contribue au bien-être
d’autrui en tire tant de bénéfice personnel que, à mes yeux, il n’y a pas plus
égoïste qu’un geste généreux. Non seulement l’humeur est améliorée, mais aussi
l’image de soi : les circuits de la récompense reçoivent une activation des plus
plaisantes. Somme toute, on se fait du bien aussi à soi – bénéfice secondaire non
négligeable – quand on fait du bien aux autres ».


Heureusement, ce modèle anthropologique quelque peu simpliste et négatif est
de plus en plus contesté dans sa forme excessive et brute de décoffrage, et cela
non seulement pour des raisons éthiques – la moralité ne serait-elle donc qu’une
expression de l’hédonisme ou de l’égoïsme ? –, mais parce qu’il présente une vi-
sion souvent extrêmement étroite et réductrice des motivations humaines et des
raisons pour lesquelles les hommes agissent comme ils le font à l’égard de leurs
semblables.
Alors, qu’en est-il dans la vraie vie, en dehors des savantes études en recherches
comportementales ? Cette dichotomie antagoniste est-elle aussi tranchée et utili-
tariste ?


Redescendons donc un peu sur terre ! A moins d’être terriblement calculateur, quel
est celui d’entre nous qui, consciemment analyse son comportement de cette ma-
nière avant d’agir aux Restos du cœur ou dans l'Ordre des Anysetiers par exemple ?
L’altruisme réel – celui vécu par chacun au jour le jour dans sa vie familiale, pro-
fessionnelle et/ou associative - repose sur une logique de bonheur personnel
certes, mais partagé avec son bénéficiaire, sous peine de se mettre dans une si-
tuation perdant-perdant si ce dernier se ressent inférieur et humilié du fait d’être
aidé.
A l’évidence, réfuter une vision aussi simpliste des motivations individuelles
égoïstes dans leur genèse et leurs applications pratiques n’est pas trop difficile.
Sur ce point, la philosophie et la littérature sont beaucoup plus performantes
pour en explorer les rouages et en disséquer les mécanismes inconscients que la
psychologie clinicienne ou les sciences sociales, incapables d’intégrer la compo-
sante spirituelle de chacun.


Ainsi souci de l'autre et souci de soi (terme préférable à « égoïsme ») sont com-
patibles, et se renforcent réciproquement. Il n’y a donc pas raison d’en rougir,
dès lors que l’on ne pêche pas par excès, ni d’un côté ni de l’autre.
Pour nous résumer, appliquons cette belle maxime (un impératif pour l’auteur)
d’Emmanuel Kant, un des pères de l’humanisme du XVIIIème siècle : « agis de telle
sorte que tu traites toujours l'humanité en toi-même et en autrui comme une fin et
jamais comme un moyen » (in Critique de la raison pratique).


En mettant en exergue nos actions humanitaires ou humanistes, nous encourageons d’autres à nous imiter, ce qui ne peut qu’être bénéfique pour la communauté. Pensons au Téléthon, par exemple, et à l’impact du soutien d’une célébrité auprès de ses fans.
C’est sans doute la raison pour laquelle de nombreuses institutions et organisa-
tions affichent les noms de leurs bienfaiteurs, voire les gravent sur les murs.
Les Anysetiers ont donc toujours cherché à faire connaître leurs actions en essayant de
mobiliser les médias. Cette année plus que jamais, il est essentiel qu’ils sachent
raconter comment ils arrivent à servir en ces temps difficiles. Les réseaux sociaux
et les médias locaux doivent permettre de maintenir le contact avec sa collectivi-
té tout en faisant la promotion de nos clubs. Cette lisibilité des Anysetiers peut inspirer
des hommes et des femmes cherchant une occasion de servir. Nous retrouvons là les fondamentaux de notre Ordre qui a fait de l’altruisme la base de actions.


Si notre intention est principalement altruiste en ne visant pas une récompense
pour nous-même et si nous ne craignons pas de passer pour des vantards, soyons
présents sur la place publique, puisque cela incitera d’autres à se comporter
comme nous. Sans aller jusqu’à appliquer le conseil de Yves Alexandre Thalmann
qui dit, au contraire du verset et de manière un peu provocatrice: « Quand tu
fais l’aumône de la main droite, que ta main gauche fasse un selfie et le partage
sans tarder sur les réseaux sociaux », une communication systématique et adap-
tée aux médias modernes pourrait être le moteur d’une générosité 2.0 bien
comprise.


Ainsi la question posée trouve réponse : l’égoïsme n’est ni tout à fait un frein, ni
tout à fait un moteur de l’altruisme. Pour la motivation et la conduite de nos ac-
tions Anysetiers, il doit être ce que l’on qualifie de conduite « talon-pointe » en pra-
tique automobile. Chacune des parties (donneur ou receveur) y trouvera son
compte.

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